Dans une chambre baignée de la lueur bleutée des écrans, Baptiste est allongé sur son lit, ses cheveux noirs en bataille retombant sur ses lunettes. Les murs autour de lui racontent une histoire passionnée : des affiches de Pokémon aux couleurs vives côtoient des photos de joueurs de handball en pleine action.
Sa tablette diffuse des vidéos de matchs pendant qu’il balance sa tête au rythme d’une musique électronique entraînante. ‘Encore une vidéo’, murmure-t-il en faisant défiler l’écran de son pouce, ‘juste une dernière…’
Par la fenêtre ouverte, une brise légère apporte les sons du jardin. Sa petite sœur Sylvie, reconnaissable à ses tresses noires soigneusement nouées, s’active parmi ses fraisiers. ‘Baptiste ! Tu ne devineras jamais ! Les fraises sont toutes rouges !’, s’exclame-t-elle avec enthousiasme.
Mais Baptiste hausse les épaules, trop absorbé par sa conversation avec Édouard sur leur prochain match. Dans la maison voisine, son ami, grand garçon blond toujours impeccablement vêtu d’une chemise, lui répond tout en tournant distraitement les pages d’un livre d’aventures posé sur ses genoux.
‘Tu devrais venir voir, insiste Sylvie, Maman dit que ce sont les plus belles qu’on ait jamais eues !’
Mais Baptiste reste sourd aux appels du monde extérieur, hypnotisé par le défilement incessant des images sur son écran.
Un grésillement soudain fait vibrer la tablette de Baptiste. L’écran se met à scintiller de façon inquiétante, projetant des éclairs bleus et jaunes dans toute la chambre.
‘Qu’est-ce qui se passe ?’, s’écrie Baptiste en se redressant brusquement.
Dans un flash aveuglant, une forme jaune jaillit de l’écran. ‘Pika-pi !’ La voix résonne dans la pièce alors qu’un Pikachu, portant fièrement un masque de catcheur rouge et or, atterrit avec souplesse sur le lit.
Avant que Baptiste ne puisse réagir, le Pokémon s’empare de la tablette d’un geste vif. Ses yeux pétillent de malice derrière son masque.
‘Non, attends !’, crie Baptiste, mais le Pikachu bondit déjà vers la fenêtre avec une agilité surprenante.
Le cœur de Baptiste s’emballe. Sa tablette contient toute sa vie : ses jeux préférés, ses vidéos, ses conversations avec Édouard… Il ne peut pas la laisser disparaître comme ça !
Après une seconde d’hésitation, il saute de son lit. ‘Reviens ici !’, lance-t-il en s’élançant vers la fenêtre. Le Pikachu masqué l’attend dans le jardin, agitant la tablette comme une invitation à le suivre.
Baptiste prend une grande inspiration et se lance à sa poursuite, ignorant la voix de Sylvie qui l’appelle, intriguée par tout ce remue-ménage.
Le Pikachu masqué bondit avec grâce devant Baptiste, la tablette toujours fermement tenue dans ses pattes. ‘Pika-pi!’, lance-t-il joyeusement en commençant un parcours improvisé à travers le lotissement.
‘Attends!’, crie Baptiste, essoufflé. Il s’élance maladroitement à la poursuite du Pokémon, ses jambes tremblant déjà sous l’effort.
Le parcours est un véritable défi : des haies à franchir, des arbres à contourner, des poubelles formant un slalom complexe. Sans sa tablette pour le distraire, Baptiste réalise à quel point son corps lui semble lourd et peu coordonné dans le monde réel.
‘C’est nul… Dans mes jeux, je suis super fort, mais là…’, marmonne-t-il en trébuchant sur une racine. Malgré ses entraînements réguliers de handball, sa respiration devient de plus en plus laborieuse.
‘Pika!’, l’encourage le Pokémon en ralentissant légèrement, comme pour l’attendre.
Mais dans un virage particulièrement serré entre deux maisons, Baptiste perd de vue son guide masqué. Ses jambes cèdent sous lui et il s’effondre sur la pelouse fraîche d’un voisin.
‘Je suis vraiment nul…’, murmure-t-il, le souffle court, fixant ses mains tremblantes. ‘Je ne suis fort que dans les jeux vidéo… La vraie vie, c’est trop dur…’
Baptiste se traîne jusqu’à un banc près du jardin communautaire, le corps endolori par sa course improvisée. Le soleil de l’après-midi baigne le jardin d’une douce lumière dorée.
‘Eh, Baptiste!’, lance une voix familière. Édouard arrive, son livre préféré sous le bras, ses cheveux blonds brillant au soleil. ‘Tu as l’air d’avoir couru un marathon!’
‘Tu ne croiras jamais ce qui vient de m’arriver’, commence Baptiste, encore haletant. ‘Il y avait ce Pikachu qui…’
‘Grand frère! Grand frère!’, l’interrompt une voix enjouée. Sylvie arrive en sautillant, ses tresses noires dansant dans son dos, un panier débordant de fraises fraîchement cueillies dans les mains.
‘Regarde ce que j’ai récolté avec maman!’, dit-elle fièrement. ‘Goûte ça, c’est bien mieux que tes vidéos, non?’
Baptiste observe la fraise rouge vif qu’elle lui tend. L’odeur sucrée lui chatouille les narines. À côté de lui, Édouard s’est déjà plongé dans son livre, ses yeux brillant d’excitation.
‘Tu vois cette histoire?’, dit Édouard en montrant une page. ‘Le héros explore une jungle mystérieuse… C’est comme vivre une vraie aventure!’
Baptiste regarde tour à tour la fraise juteuse et les pages animées par l’enthousiasme de son ami. Pour la première fois, une petite voix dans sa tête lui murmure qu’il passe peut-être à côté de quelque chose d’important en restant collé à ses écrans.
Soudain, un éclair jaune fend l’air, faisant sursauter les trois enfants. Pikachu Libre atterrit devant eux dans une pirouette gracieuse, son masque de catcheur brillant au soleil. ‘Pika-pika!’ crie-t-il d’un air alarmé, pointant frénétiquement les maisons du lotissement.
Baptiste, Édouard et Sylvie suivent son regard. Sur chaque fenêtre, chaque écran de télévision, chaque tablette visible à travers les vitres, un spectacle inquiétant se déroule. Un Porygon-Z aux yeux hypnotiques flotte d’un écran à l’autre, laissant derrière lui une traînée de pixels scintillants.
‘Regardez!’ s’exclame Sylvie, sa voix tremblante. ‘Il y a des Pokémon prisonniers!’
En effet, derrière les écrans lumineux, des dizaines de Pokémon tapent contre les surfaces vitrées, appelant désespérément à l’aide. Des images alléchantes de jeux vidéo commencent à défiler : les jeux préférés de Baptiste, ses applications favorites, ses vidéos les plus regardées.
‘Non… Je dois résister’, murmure Baptiste, ses poings serrés tremblant légèrement. Ses yeux sont attirés malgré lui par les images hypnotiques.
‘On est avec toi!’ déclare Édouard en attrapant sa main droite.
‘Ensemble, on est plus forts!’ ajoute Sylvie en saisissant sa main gauche.
Les trois enfants s’élancent à travers le champ d’écrans scintillants. Baptiste met à profit ses réflexes de handball, esquivant les images tentatrices comme il éviterait des adversaires sur le terrain. Il bondit, pivote, se faufile entre les rayons lumineux avec une agilité qu’il ne se connaissait pas.
C’est alors qu’un petit Évoli, prisonnier derrière l’écran d’un smartphone, attire son attention. Le Pokémon pose sa patte contre la vitre en émettant un gémissement déchirant qui résonne jusqu’au cœur de Baptiste.
‘Attends…’ murmure-t-il, s’arrêtant net. ‘Les Pokémon ne devraient pas être enfermés comme ça… Et moi non plus, je ne devrais pas être prisonnier des écrans!’
Cette révélation le frappe comme un éclair. Toutes ces heures passées devant sa tablette, tous ces moments manqués avec sa sœur au jardin, toutes ces parties de handball reportées…
‘Tu sais quoi, Édouard?’ lance-t-il à son ami. ‘C’est comme dans tes livres d’aventures. Le héros doit faire des choix difficiles pour grandir!’
Son corps, entraîné par le handball et le vélo, s’anime d’une énergie nouvelle. Il réalise que toute la passion qu’il investissait dans les jeux vidéo peut être canalisée dans le monde réel.
‘Pikachu!’ crie-t-il en direction de son ami masqué. ‘Je sais maintenant ce qu’il faut faire!’
Avec un cri de détermination, il s’élance vers Pikachu Libre, combinant sa vitesse de cycliste et sa précision de handballeur. Les images hypnotiques n’ont plus d’emprise sur lui – il a trouvé une force plus puissante : sa volonté de liberté.
Dans un ultime effort, Baptiste bondit et attrape sa tablette que Porygon-Z utilisait comme portail. Le Pokémon corrompu pousse un cri digital avant de se dissiper dans un nuage de pixels multicolores.
Un à un, les écrans s’éteignent. Le petit Évoli qui avait touché le cœur de Baptiste saute joyeusement hors de sa prison numérique, suivi par d’autres Pokémon libérés.
Baptiste regarde sa tablette, puis ses amis. Pour la première fois, l’envie d’allumer l’écran n’est pas la plus forte.
‘Tu sais quoi, Sylvie?’ dit-il en rangeant l’appareil dans sa poche. ‘Tes fraises ont l’air délicieuses. On pourrait les partager?’
Le visage de sa petite sœur s’illumine. Ils s’installent tous dans l’herbe du jardin – Baptiste, Édouard, Sylvie, Pikachu Libre et leurs nouveaux amis Pokémon. Le soleil brille, les fraises sont sucrées, et les rires résonnent dans l’air du soir.
Mais dans le salon d’une maison voisine, un écran de télévision grésille et s’allume tout seul. Un visage fait de pixels scintillants y apparaît furtivement – le Glitch Master. Ses yeux brillent d’une lueur menaçante alors qu’il observe les enfants. Ce n’est que le début de leur aventure…